Les monochromes blancs de Chung Sang-Hwa : une méditation sur la matérialité picturale
Dans le paysage de l’art contemporain, l’œuvre de Chung Sang-Hwa occupe une place singulière. Figure majeure du mouvement Dansaekhwa (monochrome coréen), cet artiste né en 1932 à Yeongdeok a développé depuis les années 1970 une pratique picturale unique, centrée sur l’exploration méticuleuse du blanc et de la matérialité de la peinture.
Le processus créatif de Chung est aussi rigoureux que méditatif. Il commence par appliquer plusieurs couches de peinture acrylique sur la toile, alternant entre le blanc et des tons gris subtils. Une fois la surface sèche, il plie méthodiquement la toile selon une grille précise, créant ainsi un réseau de craquelures. L’artiste retire ensuite minutieusement certaines sections de peinture, révélant les couches sous-jacentes dans un jeu complexe de texture et de profondeur.
Cette technique laborieuse, que l’artiste a perfectionnée au fil des décennies, produit des œuvres d’une complexité visuelle remarquable. Les surfaces, qui peuvent sembler uniformément blanches au premier regard, révèlent progressivement leur richesse texturale. Les variations subtiles de relief, les micro-fissures et les transitions entre les différentes zones créent une topographie picturale fascinante qui invite à une contemplation prolongée.
La temporalité dans le processus créatif
Le temps est un élément fondamental dans l’œuvre de Chung. Chaque tableau nécessite plusieurs mois de travail, pendant lesquels l’artiste répète inlassablement les mêmes gestes avec une précision quasi-méditative. Cette dimension temporelle n’est pas simplement technique : elle participe pleinement à la signification de l’œuvre, incarnant une philosophie orientale où la patience et la répétition sont des voies vers la transcendance.
L’héritage du Dansaekhwa
Le travail de Chung s’inscrit dans la tradition du Dansaekhwa, mouvement artistique coréen qui a émergé dans les années 1970. Comme ses contemporains Lee Ufan ou Park Seo-bo, Chung explore les possibilités expressives du monochrome. Cependant, sa approche se distingue par son focus sur la matérialité pure de la peinture, sans référence explicite à la calligraphie ou aux traditions picturales est-asiatiques.
La dimension philosophique
Les monochromes de Chung peuvent être interprétés comme une réflexion sur le vide et la plénitude, concepts centraux de la philosophie orientale. Le blanc, couleur dominante de son œuvre, n’est pas un simple choix esthétique mais porte une signification métaphysique. Dans la pensée est-asiatique, le blanc représente le vide fertile, l’espace de potentialité où toutes les possibilités existent.
L’influence internationale
Bien que profondément ancré dans la culture coréenne, le travail de Chung dialogue avec les courants de l’art occidental, notamment le minimalisme et l’art conceptuel. Ses séjours à Paris et à Kobe dans les années 1960 et 1970 ont nourri une approche qui transcende les divisions entre Est et Ouest, créant un langage visuel universel centré sur l’expérience pure de la matière picturale.
La réception critique
La reconnaissance internationale de Chung s’est considérablement accrue ces dernières années, avec des expositions majeures dans des institutions prestigieuses. Les critiques soulignent régulièrement la capacité de ses œuvres à créer une expérience contemplative unique, où la simplicité apparente cache une profonde complexité structurelle et conceptuelle.
Sources :
- Lee Yongwoo, “The Art of Dansaekhwa”, Kukje Gallery, 2014 – lien
- Alexandra Munroe, “The Art of Chung Sang-Hwa”, Lévy Gorvy, 2019 – lien
- Joan Kee, “Contemporary Korean Art: Tansaekhwa and the Urgency of Method”, University of Minnesota Press, 2013
- Yoon Jin Sup, “Korean Monochrome Painting”, National Museum of Contemporary Art, Korea, 2012
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